NEIGE INDUSTRIELLE OU NEIGE “NATURELLE” ? MISE AU POINT ET EXPLICATIONS

NEIGE INDUSTRIELLE OU NEIGE "NATURELLE" ? MISE AU POINT ET EXPLICATIONS

Lors de ce mois de janvier 2022, de fréquents épisodes de neige industrielle ont été observés près des grandes agglomérations en France et sur notre région Centre-Val de Loire. Vous avez été nombreux à réagir à ce phénomène localisé : voici une mise au point et nos explications...

Neige industrielle observée sur le Sud de l'agglomération de Châteauroux Métropole, dans l'Indre, le 27 janvier 2022 (copyright : Florentin Cayrouse / Association Météo Centre).

Comment se forme la neige ?

Lorsque l'eau s'évapore, elle va progressivement monter en altitude à la faveur de courants ascendants.

Au cours de leur ascension, ces petites gouttelettes d'eau rencontrent un air de plus en plus froid.

Au cœur des nuages froids chargés de particules volatiles microscopiques (des noyaux de condensation et de congélation), la vapeur d’eau se condense en gouttelettes d’eau puis en cristaux de glace à l’origine des flocons de neige : le noyau de congélation favorise la transformation des gouttes d'eau surfondue en grains/cristaux de glace.

Lorsque le nuage est fortement chargé en vapeur d'eau et que la température interne est largement inférieure à 0°C, les cristaux de glace grossissent et finissent par se précipiter vers le sol du fait de leur poids. En tombant et en traversant diverses couches d’air froid (température inférieure ou proche de 0°C), ces cristaux et/ou petites étoiles de neige s’agglomèrent et forment des flocons.

Trois conditions sont nécessaires pour que la neige se forme :

  • la température de la masse d’air (à toutes altitudes) doit être très proche de 0°C ou inférieure à 0°C ;
  • la vapeur d’eau doit être présente en assez grande quantité dans l'atmosphère ;
  • de minuscules particules volatiles (poussières, sable, ...) doivent être présentes en assez grand nombre dans l’atmosphère.
Formation de la neige (copyright : Association Météo Centre).

En France, la neige tombe généralement en plaine lorsque les températures sous abri sont comprises entre -5°C et +1°C (moyenne établie par Météo France). On retrouve des épisodes neigeux en plaine à partir de fin novembre jusqu’au mois d’avril la plupart du temps. Toutefois, il est possible d’observer des chutes de neige précoces en octobre mais aussi des chutes de neige tardives au mois de mai.

Quels sont les différents types de neige ?

Il existe trois types de neige en météorologie : la neige sèche, la neige humide et la neige mouillée. La quantité d’eau liquide est un facteur clé pour déterminer le type de neige.

Les types de neige (copyright : Association Météo Centre).

Quels sont les différents types de flocons de neige ?

Il existe une multitude de formes de flocons de neige mais elles restent difficiles à distinguer car les flocons se mêlent les uns aux autres la plupart du temps. La forme des flocons dépend de plusieurs conditions météorologiques (la température et l’humidité au cœur du nuage notamment). On observe généralement trois types de formes : plaquettes ou assiettes, étoiles et aiguilles ou colonnes.

Diagramme des formes de flocons selon la température et la sursaturation (Source : intra-science.com / snowcrystals.com/).

Chaque flocon de neige a une forme unique : aucun ne présente exactement la même apparence ! Des formes aussi uniques que complexes dont l’éclosion est magnifique à voir. Vous pouvez visionner cette vidéo ici : https://www.youtube.com/watch?v=Nnq6RU690dg.

Pourquoi est-il si difficile de prévoir la neige pour les météorologues ?

La prévision d’un épisode neigeux reste une prévision délicate : il faut attendre 24h voire 12h avant l’épisode en question pour être le plus juste et le plus précis dans les prévisions.

En effet, la température est le paramètre le plus important lors des prévisions de chutes de neige. Les météorologues doivent prendre en compte la température du sol et près du sol mais ainsi que de la masse d’air présente sur plusieurs kilomètres au-dessus de nos têtes. Dans le cas où la température reste proche de 0°C, la prévision peut devenir difficile. En effet, l’eau peut aussi bien passer à l’état liquide qu’à l’état solide. L’humidité présente dans l’air et le vent sont également des facteurs clés pour déterminer la qualité de la neige.

Lorsque deux masses d’air rentrent en conflit (froid d’un côté et doux et humide de l’autre), on observe la formation d’une perturbation. Lors d’un épisode neigeux, les météorologues surveillent tout d’abord l’activité et le comportement de cette perturbation grâce à divers paramètres et aux images satellite. Ensuite, ils prennent en compte l’évolution des températures du sol et de l’air. Le relief et l’intensité des précipitations restent également deux éléments déterminants pour bien anticiper l’isotherme 0°C et la limite pluie-neige… Enfin, il faut analyser l’épaisseur et la qualité de la couche de neige déjà présente (ou qui sera éventuellement présente) au sol pour pouvoir prévoir éventuellement du verglas ou une fonte plus ou moins rapide.

Exemple d'une simulation des précipitations du modèle météo Arpège, run 6z, pour le 9 février 2018 (copyright : Météociel).

A Météo Centre, nous utilisons divers modèles météo (Arôme, Arpège, ICON, WRF ou encore ECMWF) pour réaliser nos prévisions. Un important temps d’analyse et de comparaison des modèles nous est requis pour réaliser la meilleure prévision possible et mieux appréhender les risques de verglas par exemple. Le « live » permet également des réajustements de nos prévisions. En effet, grâce aux images satellite, aux radars précipitations, aux relevés et aux observations des internautes et de nos équipes de terrain, nous pouvons voir l’évolution des températures, une éventuelle tenue de la neige ou encore une possible accentuation de l’intensité des précipitations.

Neige, pluie ou pluie verglaçante ?

Comme nous l’avions dit plus haut, un épisode neigeux reste très complexe à prévoir.

Lorsque les flocons de neige traversent diverses couches d’air où la température est négative dans toutes ces dernières (ou très proche de 0°C), alors il neige. Si les chutes de neige sont assez durables et/ou modérées et/ou que les sols sont froids, on peut alors observer un « manteau blanc ».

Dans certaines situations, il arrive parfois que la température reste positive (+1°C à +3°C) à plusieurs dizaines de mètres du sol (moins de 300m) : les flocons n’ont pas le temps de fondre et ont le temps de toucher le sol (neige mouillée).

Dans le cas où les flocons de neige traversent une couche d’air où la température positive puis passent dans une couche d’air près du sol où la température est de nouveau négative, alors on observe de la pluie en état dit « de surfusion ». On appelle cela des pluies verglaçantes. Elles sont très redoutées sur la route car lorsque les gouttes d’eau touchent le sol, d’importantes plaques de verglas peuvent se former.

Pluie, neige ou de la pluie verglaçante (copyright : Association Météo Centre).

Comment se forme la neige dite par « isothermie » ?

La neige peut parfois tomber à basse altitude alors que la température est encore positive. Ce phénomène reste difficile à prévoir car il reste très localisé et peu fréquent.

En effet, tout dépend de la fluctuation de l’isotherme 0°C (altitude où la température atteint 0°C) et de l’intensité et de la durée des précipitations. Lorsque ces dernières sont durables et soutenues, de l’air très froid en altitude arrive à plonger vers le sol et la température de l’air finit par baisser progressivement. Ainsi, l’isotherme 0°C s’abaisse jusqu’en plaine. D’abord, il pleut puis la neige remplace petit à petit la pluie et il se met à neiger durablement à basse altitude. Moins il y a de vent, plus il y a de chances d’observer ce genre de phénomène. On observe généralement de la neige mouillée et parfois humide.

Formation de la neige par isothermie (copyright : Association Météo Centre).

Comment se forme la neige « industrielle » ou « de pollution » ?

En hiver, lors de conditions anticycloniques, on observe une forte inversion de température. L’air froid reste plaqué contre le sol et empêche les particules de pollution de « s’échapper ». On observe généralement des brouillards près des vallées par ces temps calmes et froids.

Couplée à la pollution liée aux industries et aux transports, l’humidité présente dans l’air permet de charger l’air ambiant de particules solides (des noyaux de condensation). La vapeur d’eau se fixe sur ces dernières et se transforme en neige très fine lorsque les conditions météo sont favorables (température négative et absence de vent).

On retrouve cette neige dite « industrielle » notamment près des zones polluées (zones industrielles).

Les centrales nucléaires apportent également d'importantes quantités de vapeur d'eau dans l'air favorisant le phénomène de neige industrielle (excédent d'humidité).

La prévision de ces faibles chutes de neige reste très difficile voire impossible puisque les émissions des usines et des transports (particules, etc.) ne sont pas prises en compte dans les modèles météo.

Formation de la neige industrielle (copyright : Association Météo Centre).

Alors quelles différences entre neige industrielle et neige "naturelle" ?

On observe le même processus de formation pour la neige naturelle et la neige industrielle : la vapeur d'eau se fixe et se condense sur des particules solides (des noyaux de condensation).

A la différence de la neige "naturelle" qui se forme en altitude lors de passages perturbés (front pluvio-neigeux / front neigeux) et touche des surfaces étendues à très étendues (échelle départementale, échelle régionale, échelle nationale), la neige industrielle se forme en basses couches dans des conditions très spécifiques (conditions anticycloniques sans passage perturbé et sans vent avec du froid, de l'humidité et des particules de pollution plaqués près du sol) et touche des surfaces très peu étendues (échelle communale, échelle locale).

Différences entre la neige industrielle et la neige naturelle (copyright : Association Météo Centre).

En résumé, on peut observer de la neige industrielle uniquement lorsque les conditions sont anticycloniques (donc non dépressionnaires à l'image de la neige "naturelle") avec la présence d'un fort taux d'humidité et de froid (températures négatives) en basses couches couplée à des particules fines de pollution (souvent présentes près des zones industrielles).

La neige industrielle est-elle nocive pour la santé ?

La neige industrielle est souvent liée à la présence de nombreuses particules fines de pollution en basses couches. Le trafic routier (circulation plus active et dense en hiver en lien avec les conditions météo et les nuits plus longues), le chauffage au bois/au fioul et les usines (zones industrielles) sont des sources d'émission de ces particules fines.

Cette neige "particulière" permet de se rendre compte des conditions atmosphériques en basses couches avec une importante concentration de particules fines : elle rend "visible" cette pollution cachée et présente dans l'air !

Les particules fines représentent un danger pour la santé, notamment en hiver à cause des particules de combustion toxiques présentes dans l'air (notamment lorsqu'on brûle du fioul, du diesel ou lorsqu'on chauffe du bois, ...). On peut développer des problèmes cardio-vasculaires et respiratoires voire des cancers.

Les effets de la pollution sur notre santé (copyright : Ministère des Solidarités et de la Santé).

Et dans la neige industrielle présente au sol, y-a-t-il un danger ? Il vaut mieux éviter de jouer avec et de ne pas l'avaler mais en soit elle reste peu toxique pour notre corps : les quantités de particules fines sont généralement très faibles / infimes dans la neige tombée au sol (la pollution est surtout présente dans l'air qui nous entoure).

Une séquence de neige industrielle remarquable à Châteauroux lors de ce mois de janvier 2022 !

Pour ce premier mois de l'année 2022, au moins 5 épisodes de neige industrielle ont été reportés sur l'agglomération de Châteauroux (Indre) : les 6, 14, 25, 26 et 27 janvier 2022 ! Habituellement, on observe ce type d'évènement 1 à 2 fois tous les 2 à 5 ans (en fonction de la durée et de la position des blocages anticycloniques en période hivernale). A Châteauroux (Indre), on en a par exemple observé en décembre 2016 et en janvier 2017, soit il y a 5 ans !

D'autres agglomérations de notre région Centre-Val de Loire mais également en France ont aussi observé ce phénomène de neige industrielle comme Beauvais, Castres, Cholet, Creil, Dijon, La Verpillière, Lieusaint, Limoges, Lyon, Moissy-Cramayel, Nantes, Nevers, Orléans, Saint-Pierre-en-Faucigny, Sablé-sur-Sarthe, Strasbourg, Villefontaine, (liste non exhaustive)...

Pourquoi autant d'épisodes de neige industrielle lors de ce mois de janvier 2022 ?

Lors de ce mois de janvier 2022, les conditions se sont montrées durablement anticycloniques sur l'Europe de l'Ouest, dont la France et notre région Centre-Val de Loire.

Pressions moyennes au niveau de la mer du 1er au 31 janvier 2022 en Europe (copyright : https://psl.noaa.gov/, carte légendée par l'association Météo Centre pour les explications).

Un anticyclone en hiver est propice à un temps calme avec la présence de soleil ou de stratus (nuages bas) et de brouillards persistants en fonction de sa position et du flux dominant (dynamique ou mou).

En ce début d'année 2022, son positionnement a favorisé l'apport d'humidité de la Mer du Nord sur une bonne moitié Nord de la France en basses couches avec un air froid plaqué près du sol couplé à de fréquents pics de pollution avec un flux souvent bien mou. Seuls quelques faibles fronts ont réussi à glisser sur le Nord mais en raison d'un champ de pressions trop élevées, ces perturbations sont arrivées affaiblies sur le pays en "approvisionnant" les basses couches en humidité. Toutes les conditions ont donc été réunies lors de ce mois de janvier pour observer de la neige industrielle.

En situation normale, plus on monte en altitude, plus la température de l’air diminue (environ 6,5°C en moyenne tous les 1000m) jusqu’à la tropopause. Les masses d’air chaud et les polluants peuvent s’échapper assez facilement dans la troposphère.

Situation normale / pas d'inversion de température (copyright : Association Météo Centre).

En situation d’inversion de température, le gradient de température est positif ou nul (la température monte avec l’altitude). Comme l’air froid est plus lourd que l’air chaud, celui-ci descend vers le sol, tandis que l’autre monte. La couche d’inversion peut aller de quelques dizaines de mètres à plusieurs centaines de mètres. On observe principalement cette inversion thermique en période hivernale. En effet, le soleil étant bas dans le ciel et chauffant peu les sols, l’inversion thermique ne s’estompe pas si facilement.

Situation d'inversion de température (copyright : Association Météo Centre).

En hiver, lors d’une période prolongée de hautes pressions (comme en janvier), l’anticyclone va agir comme un « couvercle » emprisonnant l’air froid et les polluants en basses couches, surplombés en altitude par de l’air plus doux. A la limite de ces deux masses d’air, on constate généralement une couche de stratus ou stratocumulus (mer de nuages observée depuis les hauteurs) mais ce n’est pas toujours le cas (divers facteurs en dépendent : taux d’humidité dans l’air, températures, reliefs, mouvements des masses d’air, etc.).

Ce phénomène se termine lorsque l’anticyclone se rétracte/s’affaiblit, lorsqu’une perturbation balaie la région concernée ou bien lorsque le vent se lève.

Lors de ce mois de janvier, on a donc observé un "faux froid" puisque l'air était souvent plus doux en altitude (inversion de subsidence). Un blocage anticyclonique durable sans flux dynamique (pas de vent) a favorisé un temps calme avec un froid plaqué près du sol (nombreuses gelées), des nuages bas persistants (au Nord notamment) et de fréquents phénomènes de neige industrielle dans certaines agglomérations.

Restez informés : www.meteo-centre.fr.